Vicktor Taiwò, émotion brute

Repéré en ouverture des concerts des jumelles Ibeyi, Vicktor Taiwò sort un premier album de néo-soul, Joy Comes In Spirit, à la croisée de l’électro et du r’n’b. Son écriture personnelle, touchante, et sa voix de crooner, omniprésente, se déploient au gré de ses mélodies sombres et ludiques.

« Ok, je chante, mais ça ne veut rien dire », confiait Vicktor Taiwò dans les colonnes du New York Times pour dissiper tout malentendu sur la psyché de sa vocation. « C’est comme conseiller à quelqu’un qui court souvent après le bus de devenir marathonien », ajoute-t-il. Le jeune Londonien de 26 ans réagit à l’instinct. Ancien étudiant en droit des affaires et batteur, il a pourtant exercé sa voix dès l’âge de 9 ans dans la chorale de son église, alors qu’il débarquait à peine dans la capitale anglaise, depuis son Nigéria natal. La photo de son visa de l’époque illustre la pochette de son premier album.

Joy Comes In Spirit s’ouvre sur le titre Breathe In et ses battements de cœur, aussi forts que ceux qui résonnent à la première échographie. Une entrée en matière vibrante mise en image dans le court-métrage qui accompagne la sortie de son deuxième EP First Movement, sorti en avril. Puis, sa voix, claire, vient troubler le bruit assourdissant des basses et soutenir discrètement le claquement des percussions. Son premier album suit la chronologie de l’EP : sa naissance, son appréhension du monde et son passage à l’âge adulte au terme d’une cérémonie rituelle sur la côte jamaïcaine. La suite se raconte à partir de la piste 5 Letters I Wrote où son auteur poursuit « la conquête du grand désert de lui-même » – une expression empruntée à l’auteur américain James Baldwin, engagé dans le mouvement des droits civiques – dans ses tréfonds les plus sombres.

Il pioche son inspiration chez D’Angelo ou Thom Yorke pour les voix, The Weeknd ou Kanye West, références au rap contemporain, pour les mélodies “rnbisantes”, James Blake ou Massive Attack pour les trouvailles électroniques, les plus surprenantes étant empruntées à la bande-son du jeu vidéo Pokemon Ruby. Inattendu ou presque pour cet ancien photographe professionnel, sensible aux détails. Quatre à cinq mois ont été nécessaires pour offrir à ses chansons le parfait écrin sonore.

Alexandra Dumont

Vicktor Taiwò – Joy Comes In Spirit
(Innovative Leisure)

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