Mieux vaut tard que jamais. Plusieurs disques qu'il regrette de n'avoir pas assez poussés dans les colonnes de Magic se retrouvent en bonne place dans le Top 2023 de Jérémy Pellet.
- 1. ONEOHTRIX POINT NEVER – Again [Warp Records]
- 2. TKAY MAIDZA – Sweet Justice [4AD]
- 3. PINKPANTHERESS – Heaven Knows [Warner Records]
- 4. JPEGMAFIA X DANNY BROWN – SCARING THE HOES [AWAL]
- 5. JEAN FELZINE – Chord Memory [Close Harmonie / Roy Music]
- 6. AGAR AGAR – Player Non Player [Cracki Records]
- 7. HANNAH DIAMOND – Perfect Picture [PC Music]
- 8. OLIVIA RODRIGO – GUTS [Geffen Records]
- 9. DOJA CAT – Scarlet [Kemosabe Records / RCA Records]
- 10. DEBBY FRIDAY – GOOD LUCK [Sub Pop Records]
Je ne compte plus le nombre de fois où elle m’a poursuivi. Dans le métro, en courant le soir, ou coincé au bureau. Je parle de la petite voix de JPEGMAFIA, aussi pressante que les claps et le blitz des basses de SCARING THE HOES, le morceau où elle lâche ces quelques mots : “What the fuck you think, it’s 1993?” («Mais bordel tu t’es cru où ? En 1993 ?»).
Est-ce parce qu’elle renvoie à mon année de naissance (désormais aussi proche du premier album des Beatles que de la musique parue cette année, comme le fait remarquer mon collègue Jean-Marie Pottier) que la formule a fait mouche ? Après tout, JPEGMAFIA ne faisait que doucher ceux qui rêvent encore d’une honnête carrière dans le rap. Sauf que sa punchline, fatalement, s’est mise à sous-titrer tout ce qui ne m’allait pas dans la musique de 2023. Les revivals, les queues de comètes de discographies adorées, et plus largement la place qu’occupe toujours la pop indé canal historique.
Le monde dehors
Manque de bol, c’est ce qui est ressorti au moment de faire la somme des enthousiasmes de notre rédaction. Vaguement contrarié et sûrement coupable de n’avoir pas assez poussé dans nos colonnes des disques qui appartiennent davantage au monde dehors (le “world outside” d’Oneohtrix Point Never et sa merveilleuse pollution), j’atterris cette année sur un Top un peu plus militant qu’à l’ordinaire. Qui, j’espère, porte du neuf sans faire le malin. Et qui prendra bien la vanne qui va tomber sur son jeunisme ou ses futurs fantasmés.
Il suffit pour ça de suivre l’exemple de JPEGMAFIA et Danny Brown qui corsent ensemble les règles d’un nouveau hip-hop, jeu de rimes et d’arcade qu’ils savent perdu d’avance. Ils peuvent en rire ; on doute comme eux qu’il reste quelque gloire à ramasser sur la terre brûlée de Doja Cat. Fin septembre, la Californienne a fait sa rentrée fière et amère avec des bangers et des douceurs où l’on n’entend qu’elle. L’Anglaise PinkPantheress, avec sa dance-pop réglée comme une boîte à musique, et une Olivia Rodrigo au deuxième chapitre de son roman américain sont deux autres raisons de penser qu’il n’y a pas de mal à perdre son temps sur les applis vidéo. Pour l’une comme pour l’autre, quelques secondes virales ouvrent sur de sacrés morceaux.
Les hommes sont datés ?
Si la musique d’aujourd’hui tourne sous ce système d’exploitation alors elle dialogue forcément avec le tout-à-la-machine et les bons mots de Jean Felzine. «Les hommes sont datés», chante en solo le leader de Mustang. PC Music aussi. Le label générateur d’hyperpop depuis 2013 a annoncé la fin imminente de ses activités, non sans nous offrir une nouvelle collection de chansons sculpturales sous blister avec le deuxième (et meilleur) album d’Hannah Diamond. Sur la même ligne de jeu avec le virtuel, le Player Non Player d’Agar Agar aura été remarquable jusque dans son extension : un concert mémorable le 25 mars au Point Fort d’Aubervilliers.
Arrivé fin décembre, on n’a toujours pas fait le tour des chaudrons où Debby Friday et Tkay Maidza jettent leur éclectisme. Ce serait plutôt acid et post-industriel pour la première, entre le philtre néo-soul et un tonique décapant pour la seconde ; mais on ne peut jurer de rien… Enfin, le dernier mot et la première place pour Oneohtrix Point Never et les uchronies d’un dixième album, Again, aussi mutant que bouleversant. Dit autrement : le seul «oui» que l’on veuille bien entendre en réponse au coup de pression de JPEGMAFIA.
À retrouver également juste ici, sur Deezer.