(dBpm Records/Anti-/PIAS)
En offrant la version digitale de son nouvel album, Wilco relancera probablement malgré lui un énième débat sur l’avenir de l’industrie du divertissement, sur ses moyens de contre-attaque face au téléchargement illicite et ses stratégies marketing, etc. Bref, des délibérations de moins en moins productives et qui tournent en rond. Ce qui n’est pas le cas de Jeff Tweedy et de ses compagnons.
Il y avait bien quelques grincheux pour reprocher à Wilco une redondance formelle, notamment sur ses derniers disques, mais il fallait être bouché à l’émeri pour ne pas reconnaître que The Whole Love (2011) contenait quelques-unes des plus belles plages composées par le groupe. Cette fois, Jeff Tweedy prend tout le monde à contre-pied. Tout d’abord avec cette sortie surprise et gratuite, donc. Ensuite avec une pochette à la fois drôle, charmante et ridicule.
Cette jolie peinture d’un chat de salon qu’on imaginerait volontiers accrochée au mur de chez mémé si elle n’était bardée de ce titre absurde, Star Wars – oui, ça n’a pas l’air comme ça, mais derrière son regard affligé de Droopy, Jeff Tweedy est plutôt marrant quand il s’y met.
Enfin et surtout, il y a cette dizaine de chansons électriques et excitantes qui détonnent avec les sons auxquels les Chicagoans nous ont habitués ces derniers temps – le duo que le leader forme avec son fils, Tweedy, ou ses piges de producteur et arrangeur pour Pops Staples et Richard Thompson. Ainsi, pendant que l’ancien collaborateur Jim O’Rourke délivre un disque de soft rock précieux (Simple Songs, 2015), Wilco offre en retour une parade de guitares fuzz. Pour un groupe qui fait figure de fer de lance du rock à papa contemporain, ce neuvième LP est une cure de jouvence.
Un retour aux sources ? Pas exactement. Il faut bien l’avouer, même au cœur des bruyantes années 90 avec Uncle Tupelo comme avec Wilco, Jeff Tweedy s’est toujours montré plutôt mesuré dans son enthousiasme sonique. Pour preuve, son guitariste le plus ardent, Nels Cline, est un jazzman.
On sait aussi que les guitares bourdonnantes de Neil Young sont une référence pour le sextette américain, mais il les combine ici à une power pop plus espiègle (Random Name Generator). Bien vite, le ton devient moins frivole (le boogie fuzz de Pickled Ginger) voire mélancolique (la lente montée tendue You Satellite).
Lorsque le volume et le tempo descendent d’un cran, Wilco maintient le cap d’un rock élémentaire mais élégant et bouleversant, comme sur l’hypnotique Cold Slope et l’impeccable ballade finale Magnetized. Star Wars n’est pas uniquement une réponse lapidaire à ceux qui pensaient que Wilco était incapable de se renouveler, c’est surtout une collection de mélodies simples et directes qui frappent fort et tout près du cœur. Pour en trouver une autre comme celle-ci, vous devrez fouiller bien longtemps dans des galaxies lointaines, très lointaines.